RÉFLEXIONS SUR L'ART CONCEPTUEL

Jordi Rodríguez-Amat

L'art conceptuel est une manifestation où les objets créés ne manifestent aucune sorte de valeurs esthétiques, mais des idées ou des concepts en fonction de la perception du spectateur. L'artiste ne donne pas à l'œuvre une lecture unique, mais c'est le spectateur lui-même qui peut, s'il le souhaite, en faire sa propre interprétation. Cela dit, l'œuvre dépend du spectateur et non de l'artiste qui l'a créée. Contrairement à la fonction qui a été donnée à l'art à tout autre moment historique, l'art conceptuel fonctionne comme un langage en ce sens qu'il n'est pas ce que l'objet représente, mais ce que l'objet manifeste intrinsèquement comme à langage. Nous voyons ici que l'art conceptuel cherche un conceptualisme sans considérer l'objet comme tel.

La relativité doit être acceptée dans tout raisonnement, qu'il s'agisse dans le domaine de l'art ou de toute autre activité humaine. Dans les réflexions que vous pouvez lire ci-dessous, j'ai accepté qu'il puisse même y avoir ceux qui considèrent ce soi-disant art comme absurde. L'absurde peut-il même avoir un sens ici? L'absurde peut-il être considéré comme une manifestation de l'art dit conceptuel? Absurde en tant que tel et non en tant qu'adjectif pour des œuvres considérées comme conceptuelles.

Ici, l'on ne peut jamais parler de style. Le style avec toutes ses valeurs ; formes, composition, chromatismes, etc. etc. a perdu tout son sens. C'est ainsi que l'art conceptuel ne considère pas la beauté, ni aucune autre des valeurs de l'art d'autrefois. Si l'on libère l'art conceptuel de toutes ces valeurs, avec quel support, l'artiste peut-il se manifester pour exprimer le contenu de son message ? Il est absolument impossible de répondre à cette question, car le message que cet art peut générer n'est pas codé.

La lecture que l'on peut faire d'une œuvre d'art traditionnelle est toujours relative au spectateur, relative à sa sensibilité, à sa formation, à ses envies parmi tant d'autres. Ces supports ne peuvent pas servir lorsque le spectateur est confronté à une œuvre conceptuelle. Une œuvre conceptuelle, peut-elle s'expliquer si l'on ne peut considérer les valeurs esthétiques? On peut affirmer que l'art conceptuel n'essaye pas de détruire tous les principes esthétiques, mais ne les tient pas en compte. L'objet sur lequel repose le travail d'un artiste conceptuel ne cherche pas à déchiffrer les idées sous forme de hiéroglyphe, au contraire, permet par des moyens non intellectuels un dialogue qui, selon le spectateur, génère des attitudes personnelles, des attitudes qui peuvent ou non être rejetées avec un esprit ironique. L'absurde peut avoir, pour certains artistes conceptuels, une signification. L'absence d'une formulation spécifique sur laquelle cet art peut se fonder est l'une de ses caractéristiques. Je considère personnellement que le mot art devrait disparaître de ce concept.

Par le simple fait que l'art conceptuel ne peut pas se limiter à une seule activité ou attitude de la part du créateur, ses principes peuvent être librement extrapolés à toute idée, qu'elle soit concrète ou non. De la même manière, un élément logique ou absurde peut faire partie du travail. Même le principe de dématérialisation de l'objet peut être un élément valable pour l'art conceptuel.

Aujourd'hui, bien que les œuvres qui peuvent être à l'origine de cet art, si nous l'appelons art, aient été réalisées il y a plus d'un siècle, il n'a pas encore été possible d'établir une ligne ou une conception claire permettant leur compréhension logique. Cela permet de se poser la question : l'art conceptuel, est-il un jeu absurde? De la même manière, il n'est pas possible de formuler une théorie qui permette des niveaux de recherche et de travail.

Accepter les conséquences ultimes auxquelles nous pouvons en venir, appelons cela créatif, peut tomber dans le déni du concept même d’art conceptuel. Personnellement, je ne veux prendre aucune attitude, ni pour ni contre, au contraire, réfléchir sur ce qu'une petite minorité accepte cet art.

C'est ainsi que je ne veux pas faire une défense ou une attaque de cet art, mais exposer ce que l'on peut comprendre par art conceptuel. Chacun des lecteurs de cet écrit peut librement extraire une idée, qu'elle soit banale ou absurde, de ce que certains créateurs, certains galeristes ou critiques d'art font ou travaillent sur ce concept.

Pour conclure et avant de montrer certaines des œuvres considérées comme des piliers de ce mouvement, permettez-moi une question : qui décide qu'une œuvre appartient à l'art conceptuel?

 

 

Exemples d'œuvres d'art conceptuel

 

Marcel Duchamp: Bicycle Wheel. 1913

Bicycle wheel est un objet trouvé de l'artiste français Marcel Duchamp.

Il consiste en une roue de bicyclette sur sa fourche placée sur un tabouret en bois.

 

 

Robert Rauschenberg a effacé un dessin de Willem de Kooning, peintre de l'expressionnisme abstrait.

Rauschenberg avait demandé le dessin à De Kooning avec deux conditions; que l'œuvre à effacer était très aimée de l'auteur et qu'elle était aussi très aimée de lui-même.

À sa grande surprise, De Kooning l'avait accepté.

L'idée ou concept derrière cette œuvre peut nous demander quelques questions :

Est plus important un dessin effacé ou l'histoire qui se cache derrière?

Le concept est plus important que l'objet ?

Effacer l'ouvre d'un artiste peut-être de l'art ?

Le procès créatif est plus important que l'objet ?

Pensez-y !

Robert Rauschenberg et Willem De Kooning. 1953

 

 

 

 

 

Le lecteur peut considérer cet art soi-disant conceptuel comme absurde et dénué de sens et ne pas y réfléchir. Il faut dire cependant que malgré sa possible absurdité, il peut être valorisé comme une manifestation culturelle qui dépend d'un moment précis et ne peut être extrapolée à aucun autre moment historique.

Personnellement, considérant que la vérité absolue n'existe pas, je relativise les réflexions que l'on puisse faire sur le concept "art conceptuel"

 

 

 

 

Lâcher géant. Yves Klein. 1957

 

Yves Klein avait lâché 1001 globes gonflés avec de l`hélium à la place du Centre Pompidou à Paris, pour célébrer l'air et l'espace.

 

 

 

Yves Klein, lui-même, avait manifesté plus tard que c'était une sculpture aérostatique.

 

 

 

Piero Manzoni: Artist's Shit.

Mai 1961.

Piero Manzoni avait produit quatre-vingt-dix pots numérotés du 001 au 090.

Sur l'étiquette de chaque pot, il écrivait que ce pot contenait 30 grams de sa propre merde.

 

 

Joseph Beuys: How to explain pictures to a dead hare.

26 novembre 1965.

Joseph Beuys explique les tableaux à un lièvre mort.

À la galerie Schmela de Düsseldorf, Joseph Beuys avait expliqué à un lièvre mort les peintures exposées.

 

 

Joseph Beuys Hinter dem Knochen wird gezählt, . Schmerzraum

 

Derrière les os, l'on compte, espace de douleur.

Celle-ci est l'une des œuvres de la collection d'Art Contemporain de la Fondation La Caixa.

Elle fut acquise le 1985 et installée au CaixaForum de Barcelone le 2002.

Il s'agit d'une des dernières créations de Joseph Beuys, un artiste de la deuxième moitié du XX siècle.

Joseph Beuys cherchait des nouvelles voies dans le domaine de l'art conceptuel.

 

 

 

Ai Weiwei: Forever Bicycles. 2003.

Ai Weiwei use les bicyclettes pour créer ses œuvres.

 

 

 

René Magritte. Ceci n'est pas une pipe.


"Ceci n'est pas une pipe" est le tableau le plus fameux de René Magritte.

Ce tableau représente une pipe, au-dessus de laquelle René Magritte écrivait : « Ceci n’est pas une pipe ».

Magritte montre que, bien que peinte de forme réaliste, l'image n'est pas l'objet. Cette image de la pipe, dit-il, ne peut pas être remplie de tabac.

"L'image n'est pas l'objet" est la lecture que Magritte de son tableau. Ici, Magritte est créateur et spectateur à la fois.

Dans l'art conceptuel, c'est le spectateur qui détermine le sens de l'œuvre.

 

 

Tecnique mixte sur papier / 70 cm x 50 cm / 1982

Jordi Rodríguez-Amat

 

Souvent, nous confondons l'image avec le même objet.

Magritte lui-même disait : mais est-ce que l'on peut la remplir, ma pipe ? Ce n'est qu'une image. Et il dit encore, si j'avais écrit "Ceci est une pipe", j'aurais menti.

En 1982, lorsque je créais la série d'œuvres que j'intitulais Autobiographie en images, j'associais la forme d'une pipe à la question de savoir si c'était une pipe, « Ce n'est pas une pipe ? et ironiquement j'ai joué avec l'idée que si ce n'est pas une pipe ça pourrait être un canari et j'ai mis la pipe dans la cage. Ici je ne fais pas d'interprétation mais développe plastiquement une idée.

Pour savoir voir un tableau il faut considérer que l'œuvre n'est pas la représentation possible d'une image avec la forme d'un objet. Il y a ceux qui, à tort, admirent la peinture pour ce qu'elle représente sans tenir compte des valeurs plastiques ou conceptuelles de l'œuvre. Si un tableau représente un paysage, le paysage n'est pas le tableau, le paysage n'est rien d'autre que l'élément objectif qui a servi à l'artiste pour créer son œuvre.

De nombreux spectateurs n'acceptent pas l'abstraction pure dans un tableau, car ils recherchent des images d'objets qui les transportent vers une réalité extérieure à l'œuvre. De nombreux spectateurs n'acceptent pas l'abstraction pure dans un tableau, car ils recherchent des images d'objets qui les transportent vers une réalité extérieure à l'œuvre.

Avec ce travail, j'ai combiné des concepts et des valeurs esthétiques.

 


 

Sans présomption, j'ai cherché d'entre toutes mes œuvres une qui puisse être considérée art conceptuel.

 

Rodríguez-Amat: Femme.

Objet trouvé. 2009.

 

Cette sculpture n'a jamais été conçue comme de l'art conceptuel. Le fait de la relativité du concept me permet de le présenter comme telle.

Donner un titre à l'œuvre est déjà une interprétation de moi en tant que spectateur. Il est clair que le titre peut inciter le spectateur à faire une certaine lecture.

Quelle serait la lecture sans le titre?

Bien que vous puissiez avoir du mal à vous libérer de mon interprétation à travers le titre. Quelle serait la lecture si le titre se limitait à : Objet trouvé.

Pensez-y!

 

 

Rodríguez-Amat: Armoire à pharmacie.

Sur cette image, vous pouvez voir l'armoire à pharmacie avec les dix-huit noms du mot armoire à pharmacie dans les langues des pays des 624 artistes qui ont résidé au Centre d'Art, ancienne Fondation Rodríguez-Amat au fil des années où la résidence était ouverte à tout créateur du monde.

Malheureusement, la covid, il y a quatre ans, en 2019, a contraint la résidence à fermer.

 

A Armoire à pharmacie

www.rodriguez-amat.cat/farmaciola-fr.html

 

 

Pour voir des oeuvres de Rodríguez-Amat et/ou lire d'autres écrits de lui, cliquez sur le lien suivant :

  A Maison-Atelier Rodríguez-Amat https;//www.rodriguez-amat.cat/ind-fr.htm