LE RÊVE DE THÉSÉE

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Je m’étais endormi assis sur une chaise de l'aéroport quand, heureusement et tout d’un coup, j'ai entendu aux haut-parleurs le nom d’Héraklion. Sursautant, Je courus vers la porte d’accès où une longue queue était déjà faite et les premiers passagers avaient commencé à passer.

Après avoir parcouru une centaine de mètres à pied sur une des pistes de l'aéroport, nous sommes montés dans l'avion. C'était un petit bimoteur à hélices, très minable, sans le confort auquel on doit s'attendre pour faire le voyage d’Athènes à Crète. L’heure du décollage était prévue pour huit heures et demie du matin. Au bout d’une heure et demie nous serions arrivés en Crète.

À côté de moi s’était assis un homme, plutôt jeune, calme, qui, sous sa mine tranquille et tout à fait absorbé dans ses pensées, se trouvait allongé au fond de ses solitudes. Moi, je le guettais du coin de l’œil afin de découvrir ce que pouvait cacher son esprit. Sans trop réfléchir, je me suis dit que cet homme-là préférait les pensées aux mots. En dépit d'être à côté de moi, ce monsieur se trouvait loin, même très loin et, malgré mon désir de rassasier ma curiosité, je n'osai le détourner de ses pensées.

Je m’efforçais à me distraire et à ne plus penser à lui mais mon imagination à moi, cependant, m’obligeait à trouver une explication à son attitude. Oui, oui, bien sûr, il pense à l'immortalité de l'âme et à sa propre réincarnation. Serait-il était en train de penser à sa bien aimée? Bien que je sois un homme courageux, sa taciturnité me fait peur, pensais-je. Serait-il un terroriste islamique qui veut faire sauter l'avion?

Au bout d’un petit moment, je me suis rendu compte que, de son côté, lui aussi me regardait de travers. Et s'il pensait la même chose de moi? Pourrais-je lui parler directement? Et s'il ne parle pas ma langue? Il était habillé d’une manière très bizarre, nous dirions à l’ancienne. Longue jusqu’aux pieds, la robe qu'il portait, ceinture beaucoup plus élevée qu’il est d’habitude, me faisait penser à l'aurige de Delphes.

En regardant par la fenêtre j’ai vu que nous survolions la mer. Le bleu puissant de la Méditerranée, bleu ultramarin parsemé des blancheurs qui, à mes yeux, semblaient des colombes. Ce toit tranquille, où marchent des colombes….

Tout à coup, ce monsieur-là, en tombant la tête, me regarda et, d’une voix très ancienne me demanda, Où sommes-nous? Où allons-nous? Qui êtes-vous? Moi, tout à fait stupéfait, je ne sus pas quoi dire. Un petit moment s’est passé et, après des longues hésitations, en le regardant fixement aux yeux, je lui demandais à mon tour; Qui es-tu? Où vas-tu? Timidement il répondit: Je m’appelle Thésée et je suis le fils du dieu Poséidon. Est-ce qu’il se moque de moi celui-là? Ai-je pensé. Et si maintenant il m’annonçait qu’il va tuer le Minotaure? Je levais la tête pour essayer de chercher l’hôtesse de mes yeux mais je ne la voyais pas.

Malgré le fait de se rendre compte que j’étais tout à fait stupéfié, il continuait à me dire qu’il était sur son navire en train de cingler d'Athènes à Crète et sous la forte chaleur du midi il s’était endormi sur le pont. Quelle imagination! Ai-je pensé à nouveaux. Et si c'était vrai? Je voulais regarder ma montre et j'ai vu qu'elle s’était transformé en une boussole. Serais-je en train de rêver, moi même? Dans mon esprit sont apparues toute sorte d'idées, entre autres, le fort désir de l'accompagner dans son voyage.

Quand je me suis réveillé à nouveau, j'étais assis à côté de lui sur le pont supérieur d'un voilier, sillonnant sur la mer bleue à toute allure. Une haleine humide s’exhalait de la mer tandis que sur nous l’on voyait de grands oiseaux migrateurs se déplacer vers le sud. Mon compagnon de voyage n’avait plus son costume et, comme moi, il allait la poitrine nue. Après m'être rendu compte que moi aussi je parlais sa langue, je sentais l'odeur de la sueur qui imprégnait mon corps. Toujours au zénith, le grand astre brillait majestueusement. Encore deux jours et nous arrivons à Crète, déclarait l'un des leaders des rameurs.

Je pensais que tout ce que je voyais devait être réel, puisque sur le même pont du bateau il y avait six garçons et sept filles, eux, tous favorisés des dons de la beauté. Ce sont ces garçons et ces filles qui devaient être mangés par le monstre. En tout cas, bien que j’eusse mal à le croire, j’étais tout à fait émerveillé de ce que je voyais.

Encore plongé dans ma léthargie, j’entends le commandant du bimoteur indiquer par les haut-parleurs du bimoteur que nous étions sur le point d'arriver et il nous indiquait d’attacher nos ceintures. La température à Héraklion est de vingt-deux degrés, disait-il, ciel nuageux mais bonne visibilité. Je regardais à nouveaux par la fenêtre. Là, à mes pieds, se présentait la Crète, belle, avec des montagnes comme des seins, dont l'une d’elles, Ida, avait été le berceau où Zeus avait versé ses premières larmes. Loin de son père, il avait été allaité par la nymphe Amalthée.

En regardant l'homme à côté de moi j’ai vu que cette fois il était habillé d’une veste gris foncé allant ensemble avec son pantalon. Le désir d'arriver à la Crète et pouvoir me plonger dans la civilisation Minoenne m’obligea à rêver à des espaces et à des temps passés. L'avion atterrit en douceur et, en mettant le pied sur le sol, je sentais l'excitation de celui qui arrive pour la première fois dans un lieu longtemps rêvé.

Mon compagnon de voyage et moi continuions à parler. Il me dit qu’il allait à Cnossos, terre minoenne, capitale du roi Minos et surtout qu’il voulait rencontrer Ariane. Moi, sans exprimer mon étonnement car je pensais qu’il continuait être fou, je lui demandais si je pouvais l'accompagner. Volontiers, était sa réponse. C’est comme ça que, peu à peu, mon appréhension se changeait en amitié.

Mon esprit jouissait d’un certain état d'excitation à cause de l’émotion de pouvoir me plonger dans le labyrinthe en compagnie de Thésée lui-même. À cette idée tout mon corps frissonnait et, de plus en plus, j’avais l’étrange bonheur de sentir battre mon cœur car, finalement, j’étais tout près d’accomplir le désir qui m’angoissait depuis toujours; rencontrer la belle Ariane.

La visite de Cnossos ne pouvait pas attendre longtemps et après nous être reposés un tout petit moment, juste le temps de prendre une petite bouchée et boire un verre de vin brun doré crétois, nous prenions un vieil autobus qui, par des routes dans état tout à fait déplorables, allait nous amener à Cnossos. Après un peu plus d'une demi-heure ou tout au plus trois quarts d’heures nous atteignions une zone désolée où l’on ne voyait une seule âme. Là, je présumais, tout près se trouvait Minos, caché, entre le millier des salles de son palais, dans la chambre royale, bien assis sur son trône.

Au milieu de la cour centrale du palais, il y avait des athlètes sautant par-dessus un taureau et un peu plus loin, adossée à une colonne garnie de roses, j'ai vu la belle Ariane. Mon compagnon ne l’avait pas aperçue et je dus la lui faire remarquer. L'environnement était composé par des grands espaces monumentaux, des bâtiments de toute nature, des plinthes en pierre et en albâtre. Partout il y avait des chambres avec des colonnes en forme de cône inversé, des chapiteaux avec leurs entablements et les murs ornés des fresques avec de belles femmes parées des bijoux et dentelles et des athlètes sautant sur des beaux taureaux très stylisés.

Je pouvais déjà constater qu’Ariane, tout à faite rayonnante, nous attendait avec une pelote de fil dans sa main droite. Elle embrassa mon compagnon sur les deux joues, tandis qu’à moi, elle ne le fit que sur une. Nous avons parlé de Pasiphaé, la mère du Minotaure, et des dangers de s'aventurer dans le labyrinthe avec ses milliers de salles. Le moment de pénétrer dans le labyrinthe était arrivé. Un silence extraordinaire s’établit autour de nous. J’eus peur et je n’osai pas y entrer. Par contre, Thésée, lui très courageux, saisit la pelote que lui offrit Ariane et, sans rien dire, disparut par la porte.

La nuit tomba sans que Thésée n’apparaisse. Nous étions, Ariane et moi, très angoissés. Par un coup de tête je rassemblai mes forces et, en gonflant ma poitrine de courage, je me suis plongé dans le labyrinthe.

À ce moment, l’alarme du réveil sonna. Sept heures et demie du matin. Allons! Il faut se lever.

1er juin 2013

Jordi Rodríguez-Amat

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